Cadeau

Chaque jour, ces vieilles pierres de l’église St-Bénigne me rappellent que la vie, c’est maintenant.

Aux personnes horrifiées à la vue des oraisons funèbres célébrées au sein de ma merveilleuse voisine, je rétorque : c’est la vie !

Alors que le corbillard, paré de fleurs multicolores, me répète inlassablement : la vie, c’est maintenant ! N’attends pas tes derniers instants pour te dire : pourquoi je n’ai pas vu, pourquoi je n’ai pas compris quand il était encore temps ?! Quand j’avais encore du temps !?

Je regarde évoluer la jeunesse, d’une insouciance de moins en moins légère, et je me dis : pourquoi personne ne m’a prévenue ? Pourquoi je n’ai pas saisi chaque minute, chaque seconde de folie joyeuse de ma jeunesse à danser ?! Maintenant, je danse, mais je suis plus lourde, plus raide, chaque geste me demande plus d’effort.

La vie c’est maintenant !

Ne regarde pas en arrière Claudine. Tu as compris à l’instant que tu as laissé passer trop d’occasions. Fais que chaque instant soit une occasion : tu nais à la vie maintenant !

Qu’importe s’il te faut un peu plus d’efforts ! Tu ne peux plus danser un rock endiablé, mais tu peux apprécier cent fois, mille fois plus un slow dans des bras amoureux avec tous tes sens : le nez dans son cou, tu respires sa chaleur et les effluves légères de son eau de toilette, tes oreilles entendent chaque note, chaque accord, chaque instrument, et le bruit feutré et merveilleux de son souffle contre ton oreille.

Ta peau est un immense capteur de douceur, de chaleur, d’émotion, jusqu’à cette petite douleur dans ta chaussure qui te rappelle que tu es bien vivante, dans l’instant, que tu ne vas pas te réveiller, hagarde et frustrée, d’un rêve si doux.

Ma vie n’est plus, ne peut plus être, ne sera plus un rock endiablé ! Mais elle peut encore être à chaque seconde ce slow langoureux où tous mes sens sont à l’écoute : le moineau qui pépie au rythme d’un appel connu de lui seul, le bruissement du vent dans les feuilles, la goutte de pluie qui tombe sur mon front et suit l’arrête de mon nez dans un frais chatouillis, ou la brûlure du soleil au travers du voile de coton de mon vêtement qui me réchauffe jusqu’au cœur et me transforme en végétal devant sa survie à l’astre de feu, le goût de chaque gorgée, chaque bouchée qui se présente à mes lèvres dans le sacre du merci, merci la vie de n’avoir qu’à tendre la main pour satisfaire n’importe quelle envie ! Envie ! En vie !

Les couleurs que mes yeux perçoivent sont toutes une toile de maître, quelles qu’elles soient. Les humains que mes pas côtoient sont tous des créations uniques et géniales, dans lesquelles l’observateur devient l’observé : « je » suis de ces créatures incroyables de perfection ! De chaque sens, de chaque seconde, naît le respect : merci d’être ! L’instant devient le réceptacle immense du Tout. Il n’y a plus à chercher autour, tout est dedans, là, maintenant, ici, à portée de ma main, à portée de ma vie.

Je veux vivre chaque seconde comme une chance, comme une découverte, comme une naissance. Tout paraît immuable, et pourtant à chaque seconde tout est neuf ! Quelle merveille ! Comme il serait extraordinaire de parvenir à vivre dans cet état d’éveil de l’instant à chaque instant !

Dès cette seconde, je m’y emploie … ☺

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