Je suis de la Nature

Les religions imposent des règles : à genoux ! Debout ! Assis ! Prosterne-toi ! Fais ceci ! Ne fais pas cela ! Pense ainsi ! Agis comme cela ! …

Je suis de la Nature comme on l’est d’une Religion.

En moi vivent les cinq éléments, l’air, l’eau, la terre, le feu, l’éther.

Mon corps est matière. Né de la rencontre de deux cellules exogènes, il est matière, il redeviendra poussière-terre (règle no 1).

Il a pris vie dans l’océan de ma mère(mer). De mon environnement aquatique, j’ai gardé l’absolue nécessité de boire de l’eau (règle no 2).

Pour exister, j’ai dû brailler comme un putois afin que mes alvéoles pulmonaires se décollent et accueillent l’air. Si je respire n’importe comment, je vis n’importe comment (règle no 3). Mon souffle trahit mes émotions. Mes émotions régissent ma respiration. Mon vent intérieur peut être tempête ou mer calme selon ma seule pensée.

37,2° le matin ou 40° le soir sont les seules marges à peu près acceptables pour mon feu intérieur. La même fourchette de plus ou moins quelques dixièmes de degré concerne tous les humains sans exception, du pauvre hère au dirigeant suranné (règle no 4). Si je deviens froid-e, ce n’est pas bon signe !

Ma naissance occidentale m’a fait prendre conscience très tard de mon éther. Au-delà du visuel vit en moi un champ énergétique que certaines personnes hyper-sensibles peuvent capter. Cet élément est reconnu depuis des millénaires en orient. Mais, convaincu-e de ma suprématie en toute chose, j’ai dédaigné ce fait aléatoire et si peu perceptible selon l’entêtement de ma bêtise (règle no 5).

Muni-e de mon précieux petit carnet d’écolier que je porte en moi en permanence, je peux parcourir la vie en toute circonstance, dans la mesure où je sors de mes prisons de béton.

Mes pieds nus dans la rosée du matin m’enseignent que ma chaleur corporelle réchauffe les quelques centimètres carrés de terre où ils reposent. La fraîcheur ressentie au premier contact devient tiédeur et confort. Si je bouge d’un orteil, un frisson parcourt mon corps jusqu’à ce que les éléments se réalignent à ma chaleur corporelle.

La forêt m’explose à la figure. Du chaos indescriptible je perçois l’éternité : la vie conduit à la mort, de la mort renaît la vie. Sur le tronc de l’arbre centenaire pourrissant au sol, tout un petit peuple moussu, grouillant, immuable, jaillit à la vie. Insectes, champignons, végétaux encouragent la petite graine portant les gènes du géant vaincu, tombée à quelques centimètres, à se hisser courageusement vers le dôme majestueux de ma cathédrale préférée.

Le bleu azur du ciel m’émeut aux larmes. Puisqu’il n’y a rien, pourquoi est-il d’un si beau bleu ? bleu ciel, bleu nuit, rosé, rouge incandescent, blanc, noir, gris.

Sa poésie est attaquée, aussi, de la main de l’homme. Ces grandes lignes floconneuses qui s’entrecroisent partout et de plus en plus ne me disent rien qui vaille.

Touche pas à mon ciel !

L’eau froufroutante de ma rivière coule dans les veines de mon coeur. Depuis combien de siècles a-t-elle dessiné son lit dans les brins d’herbe de ma prairie, penchés, étonnés, sur elle ? Je rêve à chaque saison de la sentir caresser mon corps nu et abandonné à sa douceur soyeuse. Elle me le permet une petite dizaine de fois dans l’année, au plus chaud de l’été et au paroxysme de ma frilosité, rendant à l’acte toute la magie du sacré. J’ai confiance en sa régénération naturelle. Chacun des ses soubresauts attrape la particule d’oxygène qui la nettoie de l’inconscience de l’homme. Elle sait sa suprématie, son immobilité, sa force, sa grandeur. Qu’elle se mette en colère et tout est emporté, rien ne peut plus l’arrêter. Je me sais toute petite dans ses bras, je la sais toute puissante dans mes cellules. Elle jaillit dans mes émotions chargée du sel de la vie.

D’où vient cette eau de mer que ma langue recueille sur ma joue inondée ?!

De mon univers intérieur.

Donnez-moi pour le nourrir des aliments vivants ! Je ne veux pas de votre alchimie industrielle, de vos amalgames foireux qui vous font croire que vous êtes Dieu ! Telle pilule rose me redonne le moral ! Telle bouillie blanche calcifie mes os ! Telle barre protéinée regonfle mes muscles ! Pouirk !

Je ne veux qu’un verre d’eau fraîche et pure, une belle pomme rouge et juteuse gorgée de ciel, une carotte croquante et toute orangée des nutriments de la terre.

Je suis de la Nature !

Namasté

CC BY-NC 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *