Le cœur, siège de l’amour ?

Mon ami, Monsieur Jacques, mon Grand Jacques à moi, m’a fait une superbe démonstration basée sur une longue réflexion et une logique imparable : le cœur n’est qu’une pompe qui sert à pulser des milliers de litres de sang au cours de nos vies.

L’amour n’est pas là ! dit-il en se frappant la poitrine. L’amour est là ! (il porte la main au sommet de sa tête).

Pourquoi vos propos m’ont-ils atteinte en plein cœur monsieur Jacques ?! Pourquoi m’ont-ils laissée sans voix et sans argument ? envahie immédiatement par une profonde tristesse.

En énonçant votre théorie mûrement réfléchie, vous tuez des millions de poètes, monsieur Jacques, vous envoyez des millions de romantiques au statut des affabulateurs.

Le premier, le plus célèbre, à genoux sous le balcon de Juliette, les deux mains en corbeille autour de son cœur pour en contenir les battements, notre doux Roméo se serait-il trompé ? Devait-il se tenir la tête à deux mains en déclamant sa flamme à l’unique passion de sa vie ?

Peut-être …

Peut-être avez-vous raison … aussi …

D’un point de vue mécanique, il n’y a aucun doute. D’un point de vue humain, vous en soulevez mille !

Pourquoi fais-je une crise de foie à chaque occasion où je me mets en colère ?

Pourquoi, quand je vois un drame aux informations, cela me tord les tripes, vraiment ? Pourquoi est-ce que ça ne me tord pas le cerveau, directement ?

Pourquoi un épisode de grande tristesse se termine-t-il par une bronchite ?

Pourquoi une grande partie des hommes en cessation de carrière développent-ils une tuméfaction de la prostate ?

Je connais un homme qui a su au moment-même où elle était dans les bras de son amant que sa femme était en train de le tromper, car il a eu une forte douleur dans la poitrine à cet instant précis. Il n’a pas reçu une claque sur la tête, la sensation venait bien de son cœur. L’avenir et sa femme lui ont donné raison, puisqu’elle l’a quitté pour cet autre.

Ne serions-nous qu’un amas de cellules qui sert de mécanique « auto-mobile » à notre grand directeur, notre cerveau ?

Et si nous regardions votre théorie par l’autre bout de la lorgnette, cher ami, si cher à … mon cœur  ?

L’imagerie médicale découvre des miracles dans nos cerveaux ! *

Quand nous méditons, l’aire droite de notre cerveau est activée, quand nous calculons, c’est la gauche.

A chaque activité, à chaque émotion aussi, une petite réaction électrique mesurable par des appareils de plus en plus sophistiqués fait vibrer notre grand ordinateur central (j’aime ce terme : ordinateur « qui met de l’ordre ». J’ai l’impression que chez la plupart d’entre nous, il fait plutôt le bazar !)

Mais plus merveilleux : si nous perdons l’usage de nos yeux, le cerveau est capable de nous transmettre des images par le toucher. Un autre de mes amis, devenu aveugle très jeune, me l’a confirmé : il « ressent » les couleurs !

Monsieur Jacques, mon ami qui observait le monde en grimpant dans son poirier (fait qui m’a immédiatement « mise en empathie» pour ce grand monsieur de plus de quatre-vingt ans au vécu extra-ordinaire), est-ce cela seulement que la vie vous a enseigné ? L’amour n’est-il pas dans le cœur ? N’avez-vous pas vécu mille situations qui vous ont pris « aux tripes » ?

Lors de votre longue et noble carrière militaire, n’avez-vous pas vécu mille rencontres qui ont changé l’ordre du monde ? Comment est-ce possible que de simples échanges verbaux aient détourné un dictateur d’un grand génocide ?

Ma vision plus uniciste de la vie m’indique un autre ressenti : je suis une petite goutte d’eau de même structure que l’immense océan dans lequel je baigne. Si je vais mal, c’est l’immense océan qui vibre avec moi. Si je vais bien, c’est de grandes tempêtes que je peux apaiser.

Votre lobe gauche vous enseigne, moi c’est le droit.

Dans mon cœur, il y a plus de place que dans une cathédrale, puisque j’y accueille sept milliards de petits frères et sœurs, plus toute la gente animale et végétale, et le ciel, et la terre, et le visible, et l’invisible.

Mes amis, mes défunts, sortent de mon champ de vision, ils ne sortent pas de mon cœur. La mort n’est pas une fin, c’est « l’âme hors » ; nous faisons tous du « co-voiturage » d’amour en accueillant dans nos cœurs ces chères âmes-hors.

Je suis bien sûre, Monsieur Jacques, qu’à chaque toc-toc que mon cœur veut bien produire, c’est à tout l’univers qu’il envoie l’Amour qu’il contient, à vous y compris ainsi qu’à votre charmante épouse, à vos deux adorables filles et à tous ceux que j’aime parce que vous les aimez, bien que je ne les aie jamais vus.

Namasté

Claudine

* « Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner »

Collectif – Le Livre de Poche

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