Les horophages

Il a attrapé mon regard et ma vie s’est mise en « stand by ».

Petit point rouge allumé : mon coeur bat, mes poumons respirent, preuve que je suis encore « sous-tension ».

Mais plus de son, plus d’images, je suis absente de ma vie.

Je suis absent-e de la Vie.

Mon voisin de table n’existe plus.

Je ne sens plus la chaleur du chat sur mes genoux.

Mon mari ronfle à côté de moi, mais le bruit de scie est aussi lointain que celui des scies qui assassinent l’Amazonie.

Ma femme crapahute au soleil dans la nature luxuriante et dans un plaisir intense, mais moi je ne manque de rien dans ma bulle stérile.

Je suis ici et pourtant ailleurs.

Je connais cette sensation pour l’avoir vécue maintes fois en état d’hypnose, voire d’auto-hypnose, où ma conscience ayant choisi avec moi, nous nous sommes promené-es dans des contrées extraordinaires.

Je suis maintenant absent-e de ma vie.

Mes douleurs ne prennent plus tout l’espace. Elles m’offrent même un répit, comme si c’était les douleurs de quelqu’un d’autre.

Par automatisme heureusement, mon coeur bat, mes poumons respirent, mais mes cinq sens sont éteints : plus de goût, plus d’odorat, plus de toucher, plus de vision et surtout plus d’ouïe !  😉

– Hé ! … tu m’entends !?

– Excuse-moi, j’avais juste à répondre ! (ou excuse-moi, je cherche juste un truc!)

– NON ! Je n’excuse plus !

– NON ! Marre de tous ces trucs qui n’en sont pas !

Sors de ta torpeur, sors de ton esclavage, sors de ta prison !

Tes minutes, tout comme les miennes, nous sont comptées.

Ton « truc », quel qu’il soit, qui me vole même trente secondes de toi, ne nous les rendra pas.

Les heures qui s’écoulent dans ton apathie te sont volées. Ta vie ressemble à un morceau d’Emmental : vide – chair – vide -chair – etc.

Redeviens Comté ou Gruyère !

Chair dense et parfumée, vivant-e à deux cent pour cent, jusque dans tes douleurs qui te parlent !

Plus de trous, plus d’absence, plus de réveils à te dire : wouahou ! Déjà tout ce temps passé, flûte ! faut que j’me stresse pour rattraper mon retard.

Arrêtons de fuir la Vie, cette chose si merveilleuse que chaque seconde est un diamant.

Nous sommes des joailliers qui s’ignorent.

La Vie est une fortune qui s’égrène seconde par seconde.

Une seule seconde vaut la peine d’être vécue pleinement.

Aucune seconde ne mérite de m’être volée, de nous être volée.

        J’éteins mon écran …

                         … de quelque ordre qu’il soit !

Namasté

CC BY-NC 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.

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