Mes cellules décident

Depuis la première seconde de ma conception, où papa et maman m’ont offert chacun une de leurs cellules, dans un acte de don et de fusion incroyable, je n’ai eu qu’à me laisser « porter » par elles.

Je n’ai pas décidé de la couleur de mes yeux, de la forme de mes orteils ni de la couleur de ma peau ; enfin, il me semble.

Avec une intelligence et une volonté incroyable, mes cellules ont entamé leur alliance et leur construction dans un ballet magnifique, avec une précision de montre suisse. Dès cette première seconde d’Union, tout a été orchestré de main de maître. (Qui est donc ce génial chef d’orchestre ?!)

Tout d’abord, mes cellules ont immédiatement puisé leur nourriture dans le doux terreau appelé « ma maman ». Puis, à la première seconde de ma naissance, la source est devenue extérieure. Jusqu’à mon autonomie complète, j’ai été tributaire de ce qu’on voulait bien me faire ingurgiter. Au fur et à mesure de la mise en place de ma volonté propre, j’ai fait connaître mes goûts, mes envies et surtout mes dégoûts : dès ma toute petite enfance, personne n’a réussi à me faire avaler le moindre morceau de fromage. Pourquoi ? Cela reste une énigme pour moi aussi, car encore aujourd’hui, à cinquante-sept ans, je n’ai pas d’à-priori pour cette nourriture dont semblent se délecter des millions d’humains, mais dont mes cellules rejettent fortement même l’idée de le toucher.

C’est ainsi et je ne m’en formalise pas, même si certains autour de moi s’en énervent, prennent ce fait pour un caprice, vont même jusqu’à éprouver de la frustration de ne pas me voir partager ce pur délice !? Ah ! Merveilleux code humain qui dicte : « si-tu-ne-fais-pas-comme-moi-tu-ne-fais-pas-partie-des-miens ». Moins grave pour le fromage, ce code fait des ravages avec l’alcool et les cigarettes. Nombre d’enfants se laissent piéger à ce code-là.

En inconscience jusqu’à aujourd’hui, mes cellules se servent tant bien que mal de ce que je veux bien leur apporter.

– ouiiiii … je sais bien que ce n’est pas très sain de manger ce truc-là, mais ça ne va pas me tuer non plus … !

Non, ça ne va pas me tuer. Mais je vais créer un problème que la merveilleuse usine de mes cellules va devoir résoudre :

– qu’en faire ?

– qu’y a-t-il de bon à en tirer ?

– comment le rejeter ?

– si impossible, où le stocker ? Bouh ! Il y a saturation là ! Et si on le mettait là ? …

Depuis toutes ces années d’inconscience, mes adorables milliards de cellules ont œuvré à mon bien-être sans que je n’ai vraiment de considération pour leur but merveilleux de me faire aller bien, de nous faire aller bien elles et moi.

Elles ont redressé la barre encore et encore, sourde que j’étais à leur mal-être, juste à l’écoute de mes pulsions et de mes envies, plus dictées par un appel extérieur que par un véritable besoin ou ressenti.

Pendant sept ans, je n’ai plus mangé de viande et le stress m’a quittée, puis j’en ai remangé.

Pendant dix-huit mois, j’ai mangé une délicieuse préparation de fruits et oléagineux*. Ma peau est devenue douce et dorée, mes cheveux brillants et sains, mes articulations souples et huilées comme une mécanique bien entretenue… puis j’ai lâché et suis revenue à mes « vieilles » habitudes. Un peu à l’écoute quand même quand mon corps a craché ses poumons pendant huit mois pour me faire comprendre qu’il était saturé de gluten ou qu’il m’a grattouillée de partout pendant cinq ans pour me faire comprendre qu’il ne voulait plus de lactose. Hé oui ! Je comprends vite mais il faut m’expliquer longtemps   !

Et puis, une vilaine blessure sur une varice, incapable de trouver les ressources en moi pour cicatriser, a tourné en plaie variqueuse depuis quatre mois. Malgré des soins extérieurs appliqués et méthodiques, rien à faire. Une toute petite amélioration, sans plus.

Les sages paroles d’un ami très sage m’ont mis la puce à l’oreille et ont touché mon intuition :

– à nos âges, il faut manger le régime gorille !

– quoi ?! C’est quoi le régime gorille ?

– fruits, légumes, fruits secs et légumes secs.

Tiens ! Ça ressemble à ma délicieuse recette aux fruits* ! Cet ami a impulsé l’envie de retourner à cette préparation culinaire gustative et saine.

Sans aucune attente que mon propre plaisir, j’ai déjeuné une fois avec cette préparation.

Ô merveille ! Tout juste vingt heures après l’ingestion, ma vilaine petite plaie a fortement démangé et brûlé, dans un signal évident :

– je veux ça ! Avec ça je peux guérir ! Hou hou ! Entends-moi ! Regarde-moi !

Et effectivement, la cicatrisation s’est mise en route. Extraordinaire !

Une évidence m’est apparue : ce que nous ingérons, le corps s’en sert immédiatement. Le cachet que j’avale pour ma migraine va éteindre le signal dans la demie-heure mais va taire aussi le cri désespéré de mon foie :

– pas tant de chocolat à la fois !

ou

– mais t’as fini de nous faire de la bile !

Boire et manger en conscience, c’est cela : que va en faire le merveilleux petit peuple de mes cellules !?

Il en va de même pour chacune de nos pensées !

Aïe ! Il paraît que nous en avons trente mille par jour

Namasté

Claudine

* « Miam-aux-fruits » de France Guillain

CC BY-NC 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.

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