Paraître Avoir Faire Être

Tout petits, nous n’avons qu’à être. Boire, manger, dormir, pleurer, sourire.

Rien ne nous est demandé d’autre qu’être la concrétisation de l’Amour.

La naissance n’est pas toujours liée à cette noble fonction ; quoi qu’il en soit, nous voilà pointant notre joli petit bout du nez sur Terre.

Puis, peu à peu, nous entrons dans le Faire.

Faire un jeu, faire un dessin, faire nos premiers pas, nos premiers mots. A ce moment-là, nous pouvons encore Être. Nos parents découvrent, amusés ou contrariés, notre caractère qui se précise de jour en jour.

Au fil des mois, nous découvrons le sens du mot Avoir :

– Ouin ! … Où est mon doudou ?! Où est ma sucette ?

Ce domaine s’élargit par une panoplie de jouets.

Pour certains enfants de par le monde, il s’agira de trois fois rien, un bout de bois, un joli caillou. Convaincus de l’absolue nécessité d’une peluche à la construction de la personnalité, nous nous donnons bonne conscience en faisant parvenir moult jouets à travers le monde au moment de Noël.

L’essentiel est déjà perdu :

– mon enfant, mon-ma chéri-e, tu n’as besoin de rien pour être. Tu es toi et ta présence suffit au monde. Sois toi-même dans toute ta créativité, sois toi-même dans toute ta perfection innée.

Survient le paraître : couettes, casquette, baskets 🙂 , nous voilà transformés en petits top models.

De l’image de l’enfant physiquement parfait à l’humain politiquement correct, il n’y a qu’un pas vite franchi, même s’il y a un abîme entre le naturel et le conditionnement de l’acquis.

Nous voilà dans l’Avoir.

Ma première fierté : ma première voiture, avec un max de chevaux s’il vous plaît, ou ma première paire de hauts-talons, idem pour un max de centimètres 🙂 .

A quel moment nous enseigne-t-on : « tu n’as qu’à être toi-même mon-ma chéri-e. Ta valeur n’est pas dans ce que tu as, mais dans ce que tu es ! » ?

Les jours passent, puis les années. Faire. Avoir. Paraître. Faire plus. Avoir plus. Paraître plus. La vie suit son petit bonhomme de chemin. Les années s’accumulent sans répit, plus régulièrement que les biens.

Vient le grand âge et enfin cette question :

– mais qui suis-je ?

Mes rides ou mon arthrose déformante m’ont fait renoncer à la course du Paraître.

Ma fatigue physique et mes rhumatismes m’ont largué-e au bout de la course du Faire.

J’existe encore un peu par mes Avoirs :

– Hé ! Toi ! Tu touches pas ! C’est encore à moi, même si je ne peux plus en jouir !

Insidieusement, l’heure arrive où je sais que je vais devoir renoncer à mes possessions terrestres.

– « Au secours !  que me reste-t-il ?! »

– « Mais toi ! Il te reste toi ! Cette magnifique personne imparfaite sans qui le monde n’aurait pas été parfait. Il te reste Toi, la somme de tes ennuis sûrement, mais aussi la somme de tes bonheurs. Et addition suprême : la somme de tout l’Amour que tu as donné ! »

Il ne reste « rien » d’autre de nous que cet amour semé dans le cœur des vivants. Ce petit « rien » qui semble si peu mais qui fait toute la différence.

Je suis !

Parce que la nature ou l’Être suprême m’a voulu-e ici et maintenant.

Et c’est tout ce qui compte dans cette folle comptabilisation !

CC BY-NC 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.

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