C’était le paradis et je ne le savais pas

C’est l’hiver, le mois de janvier. Il fait froid, le temps est bas et les feuilles mortes volent autour de nous.

Maman a offert à papa une tronçonneuse, reçue en avance pour la St-Valentin. « Valentine » est rouge, brillante, toute neuve. Elle démarre au quart de tour dans les mains de papa.

Je dépose les bouts de bois et les fais avancer sur le tréteau pendant que papa actionne méthodiquement et précautionneusement « Valentine », tous les trente-trois centimètres.

Nous sommes face à face tous les deux.

Un espace-temps s’ouvre : nous ne ressentons plus ni le froid, ni le vent, ni les heures qui s’écoulent. Nos regards et nos sourires se fondent l’un dans l’autre comme la scie dans le bois qui paraît tendre.

Les mots ont perdu leur importance.

C’était le paradis et je ne le savais pas.

Le 22 février, papa mourrait d’un brutal et dévastateur accident cardiaque.

Nous avons tous dans nos boîtes à souvenirs de ces instants merveilleux gravés à jamais dans nos mémoires. Pas de flon-flons, pas de tapis rouges ni de trompettes. Un banal et insignifiant instant du quotidien, qui retient notre attention un peu, mais pas trop.

Et puis le temps s’écoule sur cet instant, le libérant de toutes les scories du « normal somme toute » et nous nous apercevons (trop tard?) que c’était un instant de paradis.

Instinctivement ou par hasard, la vie m’a amenée à découvrir un cadeau merveilleux : « le pouvoir du moment présent »*. Un livre qui me tombe dans les mains et ne quitte plus mon chevet depuis des lustres. Une pensée qui s’insinue et prend vie dans mon esprit. Une habitude qui s’installe pas à pas, sans réel grand effort, il me semble.

De même, mon amie Angélique, coach sportive, a ouvert des grands yeux étonnés quand je lui ai soumis mon idée de courir avec son aide pour me faire (refaire) une santé :

– Tu veux courir !!? … Depuis combien de temps n’as-tu pas couru ? Dix ans ? Vingt ans ? Ne cherche pas à courir, marche tout d’abord. Régulièrement, à ton rythme, doucement, sans forcer pour ne pas te décourager. Une fois par semaine, ou deux fois, puis trois, comme tu le ressens, jamais plus.

De même, l’habitude s’est installée sans peine.

Sans le savoir, j’ai mis en pratique une saine habitude comme si j’avais anticipé les sages conseils de mon amie.

Cette idée de « moment présent » m’a vraiment interpellée. Mais comme un drap de soie glisse au pied du lit, dix fois, cent fois, mille fois, dix fois, cent fois, mille fois il m’a fallu aller le rechercher ce moment présent et tirer dessus pour m’y lover dans un bonheur indescriptible, torturée et apeurée inutilement que j’étais, sur mon matelas de passé et futur.

Pas à pas, un instant après l’autre, je l’ai attrapé « mon moment présent », à bras-le-coeur.

Sans effort, sans m’essouffler, sans me décourager, avec une infinie patience pour mes « rechutes », j’ai trouvé le chemin, mon chemin.

Là maintenant, à chacun des instants extraordinaires (mais pas tant que ça penseriez-vous) qu’il m’est donné de vivre et il y en a de plus en plus, à chacun de ces instants qui peuvent paraître banals, mes regards, intérieur et extérieur, sourient et la Lumière s’allume :

c’est le paradis, mais maintenant je le sais !

* Le pouvoir du moment présent – Eckart Tolle

CC BY-NC 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.

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