Le buisson fleuri de l’amour

Boum ! Coup de foudre !

De la graine explosée le rameau sort d’un seul coup, mais il est encore si fragile. Il faut le tuteurer, l’arroser, le protéger, veiller sur lui comme sur la prunelle de nos yeux. Une seule seconde d’inattention et il se dessèche, de trop de fragilité, de trop de rapidité, de trop d’empressement.

L’amour fusion prend tout son temps.

Deux regards s’effleurent, l’univers s’arrête. Deux minuscules phéromones se reconnaissent et s’attirent, se souviennent.

La graine sèche sous la terre rencontre l’eau, la chaleur du ventre maternel. Elle prend tout le temps qu’il faut à toute éclosion. Doucement, elle s’entrouvre, s’épanouit, s’expand, étire une racine, puis étire un rameau hors du ventre tiède, vers le ciel, vers le père, le « grandisseur ».

L’amour a pris racines. Il allonge un rameau, puis deux. Il ressemble au crâne chevelu du nouveau-né émergeant entre les jambes de sa mère. Petit buisson de duvet. Tendre apparition, merveille de pureté et d’hésitation.

Ce n’est pas encore l’amour, ce n’est pas encore l’enfant, c’est la magie, l’âme agit.

D’on ne sait où, elle pousse en avant l’âme.

Choisit-on vraiment ?! A ce stade du déroulement, il faut encore des mains expertes, des mains accueillantes pour que l’enfant et l’amour surgissent.

La première respiration donne le ton jusqu’à l’ultime.

Pour la graine et l’enfant, il faut cette unique seconde de la toute première rencontre avec l’air.

Ensuite, c’est un long chemin…

Il faut des soins. Il faut du temps. Il faut de l’ardeur. Il faut de la patience. Il faut du courage et de la patience encore. Il faut … de la passion, dans le sens amour inconditionnel, pas celle qui brûle et détruit tout sur son passage.

La main du jardiner caresse, veille, surveille.

La main de Dieu caresse, veille, surveille, toujours présente, mais nous n’y croyons pas, parce que nous ne La voyons pas.

Nous nous sentons seule-s devant la tâche. Élever un enfant. Élever un arbuste. Élever l’Amour.

Le plus chanceux est sûrement le jardinier. Il est dans le concret, dans le lâcher-prise absolu. La plante s’en remet à lui dans la confiance la plus totale. Il n’y a plus de velléité, pas de révolte, juste une pure communication :

– Là il me faudrait un peu d’eau

– Je m’étiole, nourris ma terre

– Aïe ! Je brûle ! C’est quoi ce soleil ?

L’enfant s’enfuit, s’esquive, petite sardine fluorescente et imprévisible. L’amour aussi.

Il faut rester sur ses gardes, toujours, à chaque instant.

Mais le temps qui passe et l’âme-agit font des miracles.

Les racines s’accrochent, les rameaux s’affermissent.

Les premiers bourgeons pointent leur petit nez vert pomme. Les premiers émois explosent en vagues pourpre. Ce n’est pas encore une fleur. Une feuille déjà, un capteur d’air. Pour plus, encore plus d’énergie, encore plus d’assise.

L’amour s’installe, secoue son popotin pour se caler bien confortablement dans la méridienne.

Souvent à ce stade, nous pensons la partie gagnée.

Plus d’effort à faire, plus de vigilance, nous nous croyons posés sur des rails et pourtant c’est la chute, le faux pas qui anéantit tout le labeur.

L’arbuste s’étiole, périt.

L’amour éclate comme une bulle de savon sans consistance.

Pourquoi ? Quelle est l’erreur à ne pas commettre ?

Croire un jour que tout est acquis, que tout nous est donné pour l’éternité : « ça y est, moi j’ai fait ma part, maintenant repos ! »

Une seconde d’égarement, une seconde d’inattention et tout est à refaire.

Nous pouvons parfois in-extremis « sauver les meubles » dans cette combustion instantanée. Mais que d’efforts à refaire pour relancer la vie.

Le jardinier nous l’apprend : désherber, sarcler, aérer, nourrir, arroser, regards tendres et émerveillés. Il en va de l’amour comme du potager. La régularité d’un métronome, la vigilance d’un gardien de plage.

« Il vaut mieux le doute que l’erreur » disent les pompiers. Le geste posé n’était pas tout-à-fait le bon, mais un acte a été mis en place, et c’est l’essence-ciel. Il est permis de se tromper, pas de faillir.

Soudain, sans que nous y ayons pris garde, tout absorbé-e par le chemin au point d’en oublier le but, la récompense ultime surgit : la première fleur, éblouissante.

La délicieuse morsure au coeur de l’amour accompli.

Puis c’est l’explosion. Une deuxième fleur, une troisième. Le coeur s’étire, gonfle, devient cathédrale. Le buisson devient ardent. L’amour peut-il l’être plus ?

Oui. Il s’épand comme le parfum des fleurs, s’envole dans le pollen porté par l’abeille, se transforme en effluves, en miel, en douceur, en harmonie.

Nul-le n’est insensible, tout est inondé.

C’est l’alchimie.

Le plomb devient or ruisselant.

La vie trouve sa finalité, s’insinue comme la lave ou le ruisseau, devient océan, devient univers.

Namasté

Merci à Nelly, Sébastien, Didier, à mes petites fleurs et bourgeon et à leurs jardiniers.

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